7 dec : Calendrier de l’avent de nos précaires : jour 3

Maître délégué.e, je suis précaire, je témoigne

Comment garder la passion et la motivation sans espoir d’évolution ?

J’ai exercé mon métier de professeur des écoles suppléant avec passion et motivation ! On dit parfois que c’est le plus beau métier du monde, et malgré les difficultés, je l’ai toujours sincèrement pensé. Mais le système est hypocrite. En effet, nous n’avons pas le concours donc logiquement nous sommes inaptes à gérer une classe. Sauf que l’enseignement privé ne peut pas fonctionner sans eux.

Il faut dire que c’est le « jackpot » : des suppléants formés (on exige un master, soit bac + 5) payés une misère, et en supposant qu’ils soient payés en temps et en heure ! Qui accepterait ailleurs que dans l’enseignement d’être payé cinquante euros pour un mois puis d’obtenir un acompte de cinq cents euros une semaine plus tard avant d’être finalement régularisé un ou deux mois après ? C’est pourtant « monnaie courante » chez les suppléants qui n’ont que de courts remplacements ou qui sont sur des arrêts maladies qui se prolongent. La pénurie de suppléants dont on commence à entendre parler ne me surprend par conséquent pas du tout.


De plus, ce très beau métier n’est pas accessible à tout le monde car dans ce pays on ne reconnaît pas les compétences, uniquement la capacité à se « vendre » devant un jury. Après chaque rem- placement, le directeur remplissait une fiche d’évaluation. Mais pourquoi remplir ce document puisqu’on n’en tient pas compte ? Mes bilans ont toujours été très positifs, et pourtant je n’en ai pas vu le bénéfice…
Je me suis lassé à faire le même travail qu’un titulaire pour n’avoir aucune sécurité d’emploi et aucune reconnaissance de l’institution. Et que surtout on ne me réponde plus ce que j’ai maintes et maintes fois entendu : “ On ne vous demande pas le même niveau d’exigence que des titulaires ”. Étais-je donc autorisé à écrire aux parents que je ne pouvais malheureusement pas les recevoir pour un rendez-vous n’étant que suppléant ? À ne pas participer aux projets de l’école et ne pas assister aux concertations ?
J’évoquerais encore la situation de certains étudiants qui, après plusieurs années de suppléances, ont décidé de se former en passant le master « éducation aux métiers de l’enseignement » et qui n’ont eu aucune reprise d’ancienneté après l’obtention de leur diplôme.
Où est la place de l’humain dans tout cela ?
« Cerise sur le gâteau », en recherchant des informations pour ma reconversion, j’ai découvert que je n’avais pas le droit aux indemnités chômage si je ne reprenais pas de formation qualifiante.